Marcel Proust

 

 

Marcel Proust

RM 243 - Hommes

Marcel Proust

1892

Huile sur toile

Signé des initiales en haut à gauche

73,5 x 60,5 cm - 28''7/8 x 23''3/4 in.

Provenance :

Marcel Proust (1871-1922)
Robert Proust, son frère (1873-1935)
Ses descendants
Musée d’Orsay, Paris, inv. RF 1989.4. Acquis par dation, 1989

Expositions :

1892, Paris, Champs-de-Mars, IIIe Salon de la Société nationale des beaux-arts, 15 - 30 mai, n°124
1922, Paris, L’Union interalliée, Exposition des cent portraits, 15 mai - 15 juin, n°18
1943, Paris, Galerie Jean Charpentier, Scènes et figures de la vie parisienne, n°22
1943, Paris, musée de l’Orangerie, Jacques-Emile Blanche (1861-1942), n°15
1965, Paris, Bibliothèque nationale de France, Marcel Proust, juin - septembre, n°97
1990, Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Mauriac et les grands esprits de son temps, 11 septembre - 6 octobre 1990
1991, Paris, musée d’Orsay, De Manet à Matisse, 7 ans d’enrichissement au musée d’Orsay, 14 novembre 1990 - 10 mars 1991
1996, Tokyo, Metropolitan art museum, La modernité - Collections du musée d'Orsay, 14 janvier - 31 mars; Kobé, Musée municipal, 13 avril - 23 juin
1997, Pays-Bas, La Haye, De Dandy - mode, kunst en literatuuur
1998, Rouen, musée des Beaux-Arts, Jacques-Emile Blanche, peintre, n° 75, p. 172-173, reproduit en couleur
1999, Paris, Bibliothèque nationale de France, Marcel Proust, l’écriture et les arts, 8 novembre 1999 - 6 février 2000
2001, Moscou, The Pushkin State Museum of Fine Arts, Proust
2006, Moscou, Galerie Tretyakov, Chefs-d'oeuvre du musée d'Orsay pour le 150e anniversaire de la galerie Tretyakov, 13 avril - 13 juillet
2011, Paris, Hôtel de Ville, Paris au temps des impressionnistes, 1848-1914, 12 avril - 30 juillet
2012, Paris, musée d’Orsay, Misia, reine de Paris, 12 juin - 9 septembre 
2012, Paris, Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent, Du côté de chez Jacques-Emile Blanche, 11 octobre 2012 - 27 janvier 2013, reproduit p. 29
2014, Paris, Les Arts Décoratifs, Dries Van Noten. Inspirations, 1er mars - 2 novembre
2015, Madrid, Fundacion Mapfre, El canto del cisne. Pinturas académicas del Salón de Paris. Colecciones Musée d'Orsay, 14 février - 3 mai
2015, Evian, Palais Lumière, Jacques-Emile Blanche, peintre, écrivain, homme du monde, 7 mai - 6 septembre, n°86, p. 162, p.163, reproduit en couleur
2017, Madrid, Fundacion Mapfre, Zuloaga en el París de la Belle Époque. 1889-1914, 19 septembre 2017 - 14 janvier 2018
2019, Illiers-Combray, musée Marcel Proust, Printemps proustien, 11 - 19 mai 2019
2021, Paris, Musée Carnavalet, Marcel Proust, un roman parisien, 16 décembre 2021-10 avril 2022, cat. 61, p. 223 reproduit en couleur et sur la couverture

Bibliographie :

Vaudoyer Jean-Louis, avant propos au catalogue Peintures, pastels et lithographies, de Jacques-Emile Blanche, Hôtel Jean Charpentier, Paris, 1924. Repris dans Panorama 1943
Blanche Jacques-Emile, Mes modèles. Souvenirs Littéraires, Paris, Stock, 1928, p. 96-97, reproduit en noir et blanc
Martin du Gard Maurice, "L’atelier d’Auteuil, Jacques-Emile Blanche, mémorialiste", Les Nouvelles littéraires, 1928 (cf. 92 N Dossier " Blanche ", Rouen, bibliothèque municipale), repris dans Les Mémorables 2, Paris, 1960
Roger-Marx Claude, "Jacques-Emile Blanche ou le peintre critique", Le Jour, février, 1935
Corpechot Lucien, "Dans l’atelier de J.-E. Blanche", Revue encyclopédique, 15 juillet, p. 185-204 et 1er aout 1936, p. 302-315
Corpechot Lucien, Souvenirs d’un journaliste, tome III, Plon, Paris, 1937, p. 309
Rebatet Lucien, "Jacques-Emile Blanche", Je suis partout, 4 juin 1943
Colombier Pierre du, "L’œuvre de Jacques-Emile Blanche", Comoedia, 5 juin 1943
Collet George-Paul, "Marcel Proust et Jacques-Emile Blanche", Bulletin de la Société des amis de Marcel Proust et des amis de Combray, n° 24, 1974, p. 1839-1864
Sutton Denys, “The Artistic Vision of Proust”,  Apollo, mars 1975, p. 199-207, p. 199, reproduit en noir et blanc
Rheims Maurice, "Jacques-Émile Blanche, peintre mondain", Femme, n°22, février 1987, p. 54
Bialek Mireille, Jacques-Emile Blanche à Offranville, peintre-écrivain, Offranville, mairie d’Offranville - musée Jacques-Emile Blanche 1997, p. 39, reproduit en noir et blanc
Badea-Päun Gabriel, Portraits de société, Citadelles & Mazenod, 2007, p. 148, reproduit en couleur
Roberts Jane, Jacques-Emile Blanche, Gourcuff Gradenigo, Montreuil, 2012, p.79, reproduit en couleur
Farinaux-Le Sidaner Yann, Derniers impressionnistes, le temps de l’intimité, Editions Monelle Hayot, Château de Saint-Rémy-en-l’Eau, 2018, p. 91, reproduit en couleur
Robert Jane, Eells Emily, Unger Eric, Bastianelli Jérôme, Dieppe & Jacques-Emile Blanche, Société des amis de Marcel Proust et des amis de Combray, 2022, p. 18, reproduit en couleur

 

S’il y a bien un tableau de Blanche que le monde entier connaît, c’est son portrait de l’écrivain Marcel Proust. Et pourtant, on sait pas toujours qu’il avait été conçu comme un grand portrait "en pied", mais que le peintre, bien que le trouvant "très ressemblant", le jugea néanmoins "exécrable" et raté. Il le "mutila" lui-même, et le déchirant de sorte que ne subsistent que le visage et le buste. Proust récupéra de justesse le tableau atrophié et le garda jusqu’à sa mort accroché dans son salon, boulevard Malesherbes. Très attaché à ce tableau, il ne s’en sépara jamais. Il exprima à Gaston Gallimard son mécontentement de se voir enlaidi par une mauvaise héliogravure du tableau qui figurait dans l'édition de luxe de A l’ombre des jeunes filles en fleur. En revanche, il fut très fier, bien qu’il ne put s'y rendre, de prêter la toile à l'exposition des Cent Portraits qui eut lieu à l'Union interalliée du 15 mai au 15 juin 1922. C'était là une image inaltérable de sa jeunesse et, selon Jean-Yves Tadié, son "portrait de Dorian Gray". Devenu l'incarnation du temps immuable, le tableau a atteint le statut d’"icône": reflet à la fois de l'homme et de l’œuvre. Jacques-Emile Blanche avait presque dix ans de plus que Proust, narrateur de leur rencontre: "Je ne sais pas me rappeler exactement si c’est dans l’incomparable salon de Madame Straus, dans celui de la princesse Mathilde ou de Madame Baignères que j’ai fait la connaissance de Jacques Blanche, vers l’époque de mon service militaire, c'est-à-dire à peu près vingt ans." (1). Il n’empêche que tous deux avaient fréquenté le lycée Condorcet, évoluaient approximativement dans le même cercle d’amis et habitaient Auteuil -les parents de Proust y déménageant tous les ans au printemps et au début de l’été pour échapper au mauvais air du boulevard Haussmann. Le 1er octobre 1891, à Trouville, dans la propriété de Madame Baignères -Les Frémonts-, Blanche dessina "avant le dîner" le visage de son ami qui venait d’avoir vingt ans. Puis en juin 1892, entre son examen de sciences politiques et celui de droit, le jeune Marcel, cet "oiseau de nuit" (2) posa pour le peintre tous les matins dans l’atelier d’Auteuil -séances de pose qui s’ensuivaient le plus souvent d’une invitation à déjeuner en compagnie de Blanche et de ses parents. Repas plutôt rocambolesques à l’occasion desquels le docteur Blanche le prenait pour un de ses patients : "Par habitude professionnelle, il m’invitait au calme et à la modération. Si j’émettais une opinion que Jacques Blanche contredisait avec trop de force, le docteur, admirable de science et de bonté, mais habitué à avoir affaire à des fous, réprimandait vivement son fils". (3) Blanche trouva finalement réussi ce qu’il avait gardé du portrait : "Le pur ovale de sa face de jeune Assyrien en habit de soirée, une orchidée à la boutonnière et avec une cravate de soie taillée dans une robe ayant appartenu à la Princesse Mathilde" (4). Et Proust fit lui-même la description de ce tableau dans son roman Jean Santeuil: “Le brillant jeune homme qui semblait encore poser devant tout Paris, sans timidité comme sans bravache, le regardant de ses beaux yeux allongés ... les joues pleines d’un rose blanc qui rougissait à peine aux oreilles que venaient caresser les dernières boucles d’une chevelure noire et douce ...” (5) Si l’affaire Dreyfus les éloigna quelque temps, Blanche publia un article si élogieux dans L’Echo de Paris à la parution de Du côté de chez Swann en 1913, qu’en 1919, Proust accepta avec plaisir d’écrire la préface du livre de Blanche, De David à Degas. Et en 1928, dans son ouvrage Mes modèles, Blanche consacra sa troisième étude à son vieil ami, mort en 1922.

(1) Préface de Marcel Proust dans Jacques-Émile Blanche Propos de peintre, de David à Degas, Émile-Paul Frères, 1927, p.IV.
(2) Jacques-Emile Blanche, Mes modèles, Stock, 1984, p. 99.
(3) Préface de Marcel Proust dans Jacques-Émile Blanche Propos de peintre, de David à Degas, op. cit., p.V et VI.
(4) "Quelques instantanés de Marcel Proust", in "Hommage à Marcel Proust", La Nouvelle Revue française, 1er janvier 1923, p. 53.
(5) Marcel Proust, Jean Santeuil, Gallimard, 1952, p. 675. "Il y avait bien plus du lycéen qu’il avait à peine cessé d’être, que du dandy qu’il voulait devenir, son dandysme vestimentaire datait déjà, c’était le genre Batignolles du modèle de Manet dans le "père Lathuile", le débraillé étudié de George Moore avec une certaine affectation d’écolier qui garde ses gants pour cacher des doigts pleins d’encre, et qu’il ronge […] Marcel avait été très potache de Condorcet, avec sa fleur à la boutonnière, ses cols cassés, plus tard, il eut des cravates vert d’eau nouées au hasard, des pantalons tirebouchonnants, la redingote flottante, […] et ses chapeaux haut de forme devenaient des hérissons, des sky-terriers, à force d’être brossés à rebours, frottés aux jupes et aux fourrures dans les landaus et le trois quarts de chez Binder » écrivait Blanche dans Mes Modèles.

 

 

 

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